Alucard

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Feb 8, 2019
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"I thought of this crowd of suicides: more than eight thousand five hundred in one year. And it seemed to me that they had combined to send to the world a prayer, to utter a cry of appeal, to demand something that should come into effect later when we understood things better. It seemed to me that all these victims, their throats cut, poisoned, hung, asphyxiated, or drowned, all came together, a frightful horde, like citizens to the polls, to say to society :

"Grant us, at least, a gentle death! Help us to die, you who will not help us to live! See, we are numerous, we have the right to speak in these days of freedom, of philosophic independence and of popular suffrage. Give to those who renounce life the charity of a death that will not be repugnant nor terrible.""

Maupassant, The magic couch
 
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Dec 28, 2019
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@Alucard

This image came to my mind when I read the words "crowd of suicides". It's by the German expressionist genius Käthe Kollwitz.

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Feb 8, 2019
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MANIFESTE POUR UN DROIT AU SUICIDE INDOLORE (de Jean Liberté) – SYNTHÈSE
Préambule
  • Il ne s'agit pas d'encourager le suicide mais de défendre le droit de disposer de sa vie.
  • L'on n'est véritablement maître de sa vie qu'à condition de pouvoir mettre sereinement fin à celle-ci quand on le décide.
  • La vie n'est pas un devoir : une vie vécue par contrainte et non par décision personnelle n'est pas conforme à la dignité humaine.
Chapitre 1 | Lutter contre l'absurde : pour que vivre devienne un choix délibéré
  • Nous n'avons pas choisi de naître. La vie, au départ, n'est jamais un choix mais une contrainte : elle s'impose à nous.
  • De plus, nous n'avons pas choisi notre corps (gènes, etc) et notre milieu social d'origine (capital économique, social et culturel).
  • Contingence => nous aurions pu ne pas être ou être autrement, rien ne justifie éthiquement le fait de naître et d'être tels que nous sommes.
  • Absurde => la vie n'a que le sens que nous lui donnons. Construire un monde dans lequel la dignité humaine est respectée relève donc de notre responsabilité.
  • Ne pas disposer concrètement de son corps et de sa vie revient à subir un "viol existentiel". Ne pas vivre par décision personnelle mais par peur de souffrir en se suicidant, c'est vivre par contrainte. Seul le droit au suicide indolore permet d'être un vivant consentant.
  • Ne pas redoubler l'absurde existentiel par un absurde social = à défaut d'avoir choisi de naître, ayons le choix de mourir en douceur.
Chapitre 2 | La possibilité du suicide indolore : une incitation à vivre
  • Ne pas pouvoir mettre sereinement fin à sa vie quand on le décide, c'est être enfermé dans la vie. Une limitation de l'accès aux méthodes de trépas paisibles constitue une séquestration existentielle.
  • Paradoxalement, savoir que l'on peut, à tout moment, se suicider sans douleurs et sans craintes d'échec nous permet de nous approprier notre vie et nous insuffle ainsi un sentiment de liberté qui nous incite à vivre.
  • « Se suicider, ce n'est pas choisir la mort, mais le moment de sa mort. » (André Comte-Sponville). Nous sommes mortels : ne pas anticiper le trépas (afin que celui-ci soit paisible et serein) revient à nier à mortalité, à ne pas assumer la condition humaine.
  • La mort n'est rien (cf Épicure), car les morts ne souffrent plus. En revanche, les mourants peuvent souffrir car ils sont encore vivants. Il faut donc distinguer la peur de la mort, irrationnelle, de la peur de mourir, rationnelle.
  • Seule la possibilité du suicide indolore peut nous permettre sans mensonge de vaincre la peur de mourir, d'être à la fois heureux et lucides.
Chapitre 3 | Vivre et mourir conformément à sa dignité : refuser un excès de souffrance
  • Tous les êtres humains sont également dignes (quelles que soient leurs caractéristiques biologiques, psychologiques ou sociales), tous les êtres humains méritent le même respect.
  • Le revenu universel et le droit au suicide permettent de travailler et de vivre par décision personnelle. => 1/ Travailler pour survivre, c'est vivre en esclave. 2/ Que l'on travaille ou non, l'on mérite de vivre dignement et de mourir dignement.
  • L'on peut à tout moment devenir la proie de souffrances intolérables : il est donc prudent de disposer de sa « pilule-suicide » pour être en mesure d'échapper à des excès de douleur.
  • Tout être humain qui met fin à ses jours mérite un suicide paisible, conforme à sa dignité (quelles que soient ses raisons de se suicider).
  • Chaque être humain vit une expérience existentielle différente : je ne suis pas à la place d'autrui, je ne peux pas savoir ce que l'autre ressent. Ainsi, je ne peux pas définir pour autrui des « bonnes » et des « mauvaises » raisons de se suicider : c'est à chacun d'en juger pour soi-même.
  • Tout être humain mérite d'être en mesure d'échapper rapidement, sereinement et paisiblement à un excès de souffrance non conforme à sa dignité qu'il ne désire pas endurer.
Chapitre 4 | Contre les sophismes de l'intégrisme religieux
  • Nous ne sommes pas des choses ni des créatures mais des êtres humains : notre vie n'appartient ni à Dieu, ni à l'État, ni à la société, elle n'appartient qu'à nous.
  • L'injonction biblique « tu ne tueras point » interdit à la fois l'avortement, l'euthanasie et le suicide assisté : l'idéologie Pro-Life, en respectant ce commandement à la lettre quelles qu'en soient les conséquences en termes de souffrance, est dogmatique et fanatique.
  • Si Dieu crée et gouverne le monde, même le « mal » a du sens, ce qui justifie toutes les horreurs que les êtres humains endurent.
  • L'idée religieuse selon laquelle nous méritons les malheurs qui nous arrivent aident à supporter la souffrance : celle-ci, dans la perspective religieuse, n'est plus arbitraire mais a du sens.
  • « Je suis la source absolue » (Merleau-Ponty) : ce n'est pas Dieu qui fait être le monde, mais moi-même, en tant que conscience. Je suis celui par qui il se fait qu'il y a un monde.
  • Par conséquent, sur le plan éthique, l'être humain est la source des valeurs : le bien est ce que l'être humain désire (être respecté en tant que liberté) et le mal est ce que l'être humain ne désire pas (être objectifié, humilié, torturé, etc).
Chapitre 5 | Contre la culpabilisation du suicide
  • Culpabiliser le suicide contribue à enfermer l'être humain dans la vie et peut ainsi inciter au suicide (de même que nous enfermer dans une pièce nous donne envie d'en sortir).
  • Enfermer celui qui désire mourir dans l'identité dépréciative de « suicidaire » est à la fois réifiant et malveillant (celui qui est défini comme « suicidaire » risquera de se suicider pour correspondre à la définition qu'on donne de lui).
  • Celui qui désire mourir, honteux d'être un « suicidaire », risque également de fuir la honte par le sadisme (faire le mal pour assumer sa culpabilité...) et/ou le masochisme (se châtier d'être celui qu'il est).
  • « Je ne suis pas ce que je suis » (Sartre). Mes caractéristiques psychologiques, biologiques ou sociales ne me définissent pas : je ne suis qu'un être humain. Désirer mourir ne fait pas de moi un « suicidaire coupable ».
  • Montaigne, contre Pascal, montre que le suicide n'est ni lâche ni coupable : ma vie m'appartient et mourir paisiblement n'a rien de condamnable.
  • L'on peut légitimement refuser un réel que l'on juge non conforme à notre dignité.
Chapitre 6 | Contre la logique du Divertissement permanent qui nous amène à nier la mortalité...
  • L'État et la société nous incitent à vivre comme si nous n'allions jamais mourir.
  • C'est par intérêt et pour affirmer leur suprématie sur nous que l'État et la société nous empêchent d'accéder aux méthodes de trépas paisible. 1/ Pour les instrumentalistes, nous sommes de la main d'oeuvre à exploiter et à rentabiliser par tous les moyens. 2/ L'État, pour nous maintenir en son pouvoir, ne peut pas nous laisser prendre congé paisiblement de l'existence quand nous le voulons (sinon notre vie ne lui appartient plus...).
  • En raison de la logique économique de la compétition et de l'absence de revenu universel, l'on ne travaille pas par choix délibéré, pour améliorer la condition humaine, mais seulement pour survivre et pour s'enrichir, or l'on ne survit et l'on ne s'enrichit qu'en faisant de l'ombre à ses concurrents.
  • Sans droit au suicide indolore socialement organisé, l'être humain qui désire mourir vit une expérience de déréliction : la société ne l'aide pas à mettre fin à ses jours en douceur et sans risque d'échec, il est livré à lui-même.
  • Nous nous divertissons (cf Blaise Pascal) : nous nous détournons du problème de notre mortalité et refusons ainsi d'en tirer les conséquences qui sont l'anticipation et l'organisation du trépas (afin que ce dernier ne soit plus source de souffrance et devienne même un bon moment de la vie).
  • La qualité de vie est préférable à la quantité.
Chapitre 7 | Organiser socialement le droit au suicide indolore
  • Devenir « majeur » au sens des Lumières (cf Kant) : devenir maître de sa vie, décider soi-même si l'on veut vivre ou non.
  • Mettre des kits de suicide à la disposition de tous les êtres humains juridiquement majeurs.
  • Imposer un délai d'attente pour être certain que la personne se suicide par choix délibéré et non par impulsion ou sous la pression d'autrui. Appliquer toutes les mesures nécessaires en termes de sécurité pour éviter les abus.
Conclusion
  • Nous ne sommes pas des choses, nous sommes des êtres humains... Notre vie nous appartient.
  • Les « claustrophobes existentiels », qui ont besoin de ne pas se sentir enfermés dans l'existence pour être heureux, méritent que leur droit à disposer de leur vie soit respecté.
 
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Dec 28, 2019
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« Je ne suis pas ce que je suis » (Sartre)

Ça me plaît beaucoup. J'ai souvent pensé la même chose vis-à-vis vis de ma maladie. Elle fait bien sûr partie de moi, mais je suis plus grande qu'elle. Je n'accepterai jamais qu'elle me définisse en tant que personne.
 
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Wizard
Feb 8, 2019
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Ça me plaît beaucoup. J'ai souvent pensé la même chose vis-à-vis vis de ma maladie. Elle fait bien sûr partie de moi, mais je suis plus grande qu'elle. Je n'accepterai jamais qu'elle me définisse en tant que personne.

Je compatis. Vous avez entièrement raison, votre maladie ne vous définit pas. Rien ne vous ôtera jamais votre dignité.
 
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Dec 28, 2019
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Je compatis. Vous avez entièrement raison, votre maladie ne vous définit pas. Rien ne vous ôtera jamais votre dignité.


Tu es un vrai humaniste. On dit que nous sommes tous égaux devant le mort, mais moi, je crois que nous sommes tous égaux dans la vie aussi, parce qu'il habite un esprit en chaque personne. Cet esprit n'est pas une essense divine, mais c'est la dignité de l'être humain.

J'espère que tu comprends ce que j'écris, il y a plus de vingt ans que j'ai écrit en français. J'adore cette langue!
 
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lululoo

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Mage
Dec 15, 2018
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This was a great read. Thank you for posting.
 
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Feb 8, 2019
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Tu es un vrai humaniste. On dit que nous sommes tous égaux devant le mort, mais moi, je crois que nous sommes tous égaux dans la vie aussi, parce qu'il habite un esprit en chaque personne. Cet esprit n'est pas une essense divine, mais c'est la dignité de l'être humain.

J'espère que tu comprends ce que j'écris, il y a plus de vingt ans que j'ai écrit en français. J'adore cette langue!

Merci. Je comprends tout à fait ce que tu as écrit (tu t'exprimes parfaitement en français) et je suis entièrement d'accord avec toi.
En tant que consciences, nous sommes tous également dignes.
 
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Élégie

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Sep 24, 2019
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Percutant, intelligent et concis. J'en conserverai une copie. Merci !
 
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Epsilon0

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Dec 28, 2019
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C'est bien triste... Mais en fait les lois sont écrites par des gens sans aucune compréhension de la souffrance des personnes comme nous. On n'a pas de voix, mais tu n'en donne avec tes manifestes, @Alucard
 
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Feb 8, 2019
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C'est bien triste... Mais en fait les lois sont écrites par des gens sans aucune compréhension de la souffrance des personnes comme nous. On n'a pas de voix, mais tu n'en donne avec tes manifestes, @Alucard

Merci. Je fais de mon mieux, en tout cas, pour nous donner une voix... J'espère que toutes les personnes qui naîtront après moi et qui souffriront trouveront dans mes écrits des armes pour défendre leur dignité.
Sachons nous aimer suffisamment nous-mêmes pour refuser d'être les jouets d'autrui, de la société et de l'État.
 
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